C’était un mercredi, une journée particulière, celle qui devait sceller l’alternance et le changement à la tête de la province du Kasaï oriental, après 12 ans de règne d’Alphonse Ngoyi Kasanji et le PPRD. La population, acquise en majorité à l’UDPS, souhaitait ardemment que son candidat, celui désigné par le parti, Jean Maweja Muteba prenne le bâton de commandement. Et ce dans un contexte marqué par des suspicions de corruption, menace à l’endroit des députés, intimidations et invectives.
Retour sur cette journée avec Arsene MPUNGA.
Déjà tôt le matin de ce mercredi 10 avril 2019, plusieurs centaines de combattants de l’udps paradent sur les artères de la ville de Mbujimayi, drapeau du parti en main, au rythme des chants et slogans du parti. Les médias organisent des émissions spéciales, les services de sécurité sont mobilisés et ont pris le contrôle des points chauds de la ville, comme en pareille circonstance. Mais cette circonstance est toute particulière.
Contrairement à plusieurs provinces qui votent ou ont déjà voté leurs gouverneurs, au Kasaï oriental, les électeurs, qui sont les députés font face à des menaces et intimidations de la part de ceux qui les soupçonnent de vouloir voter un autre candidat que celui choisi par l’UDPS. Oui, quelques jours plutôt, certains élus provinciaux avaient été victimes des scènes de pillage de leurs résidences par « les combattants », pour avoir « élus des candidats autres que ceux du parti présidentiel ». Au fait, l’UDPS qui n’est majoritaire qu’à l’assemblée provinciale du Kasaï sur 26 provinces, tient à faire gagner son ticket, quel qu’en soit le prix.
Avertis du châtiment qui les attendait en cas de victoire de quelqu’un d’autre, les députés avaient la peur au ventre, ils n’avaient pas de choix. Au fait ils n’avaient qu’un seul choix ce jour là, celui leur imposé par la foule et le parti, Jean Maweja Muteba.
Sous une pluie battante, la concession de la CENI est encerclée par des milliers de personnes, qui attendent sans s’impatienter l’issue du scrutin. Les grands électeurs, privés de leurs téléphones portables dans la salle de vote, sont comme pris entre les tenailles d’un marteau. Plusieurs d’entre eux avouent sur place vouloir voter d’autres candidats que celui de l’UDPS, dont ils remettent en cause les capacités managériales pour présider à la destinée de la province. Mais il craignent les représailles « des combattants ».
Après des longues heures d’attente, dehors les spéculations vont bon train. Mais une seule attente : que Jean Maweja Muteba devienne Gouverneur. Et ce vœu est exaucé, lorsque les résultats sont publiés en fin d’après-midi, le ticket de l’UDPS l’emporte largement avec 22 voix sur 24 votant, Jean Maweja Muteba devient le 34e Gouverneur de la province du Kasaï oriental.
Scènes de liesse dans les rues de Mbujimayi, la population jubile pour sa victoire. Plusieurs personnes expriment leur joie, mais pas que. L’élection de Jean Maweja Muteba suscite un grand espoir d’une vie meilleure, se fondant sur les promesses de campagne du nouveau patron de la province : des nouvelles routes, de la nourriture à foison, une gestion orthodoxe des finances de l’État…
Deux ans plus tard, Jean Maweja Muteba aura perdu plusieurs de ses supporters qui soutiennent désormais sa destitution par l’assemblée provinciale. Mais le seul Gouverneur de l’UDPS pour toute la République continue de bénéficier toujours du soutien d’autres est-kasaiens qui continuent de voir en lui, l’homme par qui passera le développement de la province.
Sinon, Jean Maweja Muteba vit probablement ses derniers jours à la tête du Kasaï oriental, après avoir été renversé le 1e avril 2021 par les mêmes députés qui l’avaient porté Gouverneur. Mais comme il conteste sa déchéance, c’est devant la justice que l’avenir « Mwalimu » va se jouer.
