Lomami: la population de Mwene Ditu préfère « l’eau impropre des puits » à celle de la REGIDESO [REPORTAGE]

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Comme dans toutes les grandes villes de la RDC, la ville ferroviaire de Mwene Ditu a ses paradoxes, ses contradictions. Dans cette première grande agglomération urbaine de la province de Lomami pousser la population à consommer l’eau potable de la Regideso est un casse-tête. Les « ditois » préfèrent dans leur grande majorité l’eau des puits.

Reportage d’Arsène MPUNGA


Sur les artères de la ville de Mweneditu, contrairement à Mbujimayi par exemple, le défilé de « bidons jaunes » est très rare. La population n’éprouve pas de difficulté majeure à s’approvisionner en eau potable. Dans tous les quartiers, des puits d’eau de forage sont perceptibles quasiment sur toutes les avenues.

« Ici, nous n’avons pas de problème d’eau. Nous avons un puits d’eau comme vous le remarquez et il ne tarit jamais. Nous vendons un bidon à 50fc« , déclare une ménagère trouvée entrain de s’approvisionner en cette denrée vitale.

Comme l’indique cette dame, le bas prix constitue le seul attrait de cette eau de puits. Mais son problème, c’est son insalubrité. Extraite des puits de plus de 30 metres de profondeur, cette eau ne subit aucun test de potabilité avant d’être consommée ou commercialisée. À la surface, aucune infrastructure n’est aménagée pour permettre le recueil en toute sécurité de l’eau, même pas de bornes fontaine. Une plaque métallique couvre à peine le trou du forage, laissant suffisamment d’espace aux insectes, poussières et autres bactéries qui peuvent infecter l’eau.

« Faites quelque chose pour nous, cette eau est impropre. Elle est trop sale, on compte sur vous », lance la même ménagère à la délégation mixte de la Regideso et la banque allemande KFW en visite de travail dans la ville ferroviaire.

Campagne de sabotage contre la Regideso


Selon le chef du centre secondaire de la Regideso Mweneditu, François Mukonkole son entreprise a été victime d’une campagne de sape en 2018 alors qu’il posait ses valises dans la ville. La population était appelée par les leaders communautaires à n’utiliser l’eau de Regideso que comme boisson. Pour les autres besoins corporels ou ménagers, il lui était recommandé de faire usage de l’eau des puits.

« Quand je suis arrivée en 2018, j’ai trouvé une campagne contre la Regideso. Dans des réunions auxquelles j’ai participé, on sensibilisait la population en lui demandant de ne réserver qu’un bidon d’eau à la Regideso. Par exemple, un ménage qui consomme 10 bidons par jour, on lui demande de ne consommer qu’un bidon. Les autres, il les trouve où? », s’interroge ce gestionnaire.

Et d’ajouter: « Imaginez chez un abonné qui a même l’eau de la Regideso chez lui, un notable, qui ne consomme pas l’eau de la Regideso. Il n’utilise qu’un mètre cube par moi. Vous lui demandez comment il fait, il explique que l’eau de la Regideso n’est utilisée que pour boire. Pour les autres besoins, il sort pour chercher l’eau des puits chez les voisins ».

La conquête du marché de l’eau à Mweneditu

Dans la capitale économique de la province de Lomami, l’eau potable est avant tout une « affaire d’argent ». Les autorités locales délivrent des permis d’exploitation aux opérateurs privés pour commercialiser l’eau de puits, moyennant « un peu d’argent », indiquent des sources concordantes sur place. Une fois le sésame entre ses mains, l’exploitant a le feu vert de vendre de l’eau à la population, sans aucun contrôle de qualité préalable ni à posteriori.

Les charges étant très faible, les prix de l’eau de puits sont aussi bas, comparativement à ceux de la Regideso. Un récipient de 20 litres revient à 50fc chez les privés, contre 100fc aux bornes fontaine de la Regideso. Pour tenter d’endiguer cette concurrence déloyale, l’entreprise publique chargée de la distribution d’eau potable a plusieurs fois recommandé au maire de la ville d’imposer des taxes d’exploitation aux propriétaires des puits, mais en vain.

Sans l’aide de l’autorité, le chef de centre de la Regideso Mweneditu a initié une campagne médiatique pour faire comprendre à la population l’importance de consommer l’eau potable. « C’est ce qui nous a poussé à concevoir le spot qui passe actuellement sur les chaînes de radio. Ce spot a permis que cette année, la consommation de l’eau potable puisse augmenter. »

Grâce à cette propagande médiatique, les recettes de la Regideso Mweneditu ont connu un accroissement spectaculaire, passant de 3 millions à plus de 13 millions de franc congolais le mois. Cependant, le dur reste à faire pour amener toute la population à comprendre l’importance de consommer l’eau potable de la Regideso. Pour le moment, environ 300 clients sont facturés chaque mois par la Regideso, ce qui ne représente même pas 1% du nombre des habitants de la ville ferroviaire.

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