Mbujimayi : ‘’Déchets ya Bilamba’’, un travail à haut risque. [Découverte]

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2020

Au Kasaï oriental, à cause de la précarité économique, plusieurs sortes de métiers et commerces ont émergé ces dernières années, la population cherchant comment survivre. Certains sont obligés de prendre des gros risques, comme c’est le cas de ce ‘’travail’’ particulier de femmes qui sillonnent la ville de Mbujimayi quotidiennement, à la recherche des habits usés à revendre. Nous sommes allés à la rencontre de ces marchandes connues vulgairement par le slogan ‘’Déchets Ya Bilamba’’.

Nous sommes au petit marché Tukunyema, dans la commune de Bipemba, la plus vaste municipalité de la ville de Mbujimayi, mais aussi la plus pauvre et enclavée, dans la province du Kasaï oriental. En ce jour du mercredi 9 décembre 2020, le ciel est sombre, une forte pluie menace, alors que l’après-midi vient de commencer.

Debout devant un étalage de fortune, formé des bambous et des tôles rouillées, Alphonsine Muambuyi Ngalula expose sa marchandise, attendant désespérément des acheteurs, pendant qu’un vent violent commence à souffler. Dans sa petite tente, on y trouve surtout des habits usés de tous genres. Ces vêtements, elle les a acheté auprès des ‘’familles ayant des problèmes d’argent’’.

Muambuyi Ngalula a déjà fidélisé des nombreuses familles, dans lesquelles elles passent souvent ‘’ramasser’’ sa marchandise. Mais parfois, elle est obligée de parcourir les rues de Mbujimayi, criant ‘’Déchets ya Bilamba’’ comme pour signaler son passage auprès de ceux qui disposeraient des vêtements usés à vendre. Un travail arasant, mais face à la misère, Muambuyi n’a pas d’autres choix.

‘’Généralement, lorsque quelqu’un a un problème urgent ou un cas de maladie, il m’appelle et je lui achète des habits usés. Ce travail ; je le fais faute de mieux, c’est juste pour nourrir mes enfants’’, dit-elle à mi-voix.

Assise sur une chaise en plastique juste à deux maitre de notre position, ‘’Maman Julie’’, une autre vendeuse des  »déchets ya bilamba » observe l’interview, avec une attention particulière. Notre présence dans le secteur est déjà un évènement pour elle car, ici, les micros et caméras de journalistes n’arrivent presque jamais. Pourtant, elle et ses camarades ont grandement besoin de faire entendre leur voix, ‘’celle des misérables qui se battent pour subvenir aux besoins de leurs ménages’’.

Mère de 5 enfants, Maman Julie, comme elle a voulu se présenter, a fait des études de pédagogie générale. Elle a décidé de jeter momentanément la craie à cause ‘’de la précarité de la carrière enseignante en RDC’’. Obligée de prendre la charge de son foyer, elle s’est retrouvée dans ce commerce depuis quelques années :

‘’Ici, je me débrouille. Je suis diplômée d’Etat en pédagogie générale. J’ai arrêté ma carrière d’enseignante à cause de la misère qui gangrène cette profession dans ce pays. Si les choses s’améliorent comme on nous le promet par les autorités, je vais reprendre la craie. En attendant, je fais ce commerce pour survivre’’.

Les deux femmes, petite mine, visiblement à cause de la faim évoquent à peine les risques du ‘’métier’’. Et cela pour une simple raison : ‘’ les discours négatifs dissuadent les acheteurs’’. Car pour elles, même nous journalistes pouvons repartir avec quelques vêtements après l’interview. D’ailleurs, elles n’ont pas hésité à nous proposer des réductions des prix.

En réalité, c’est un travail  à haut risque. Des anonymes sur le lieu l’ont affirmé : ‘’les policiers nous les arrêtent si souvent pour recel des biens volés’’. Mais pour sauver la face, Alphonsine Muambuyi Ngalula laisse entendre que ‘’nous n’achetons jamais des biens volés ou dont l’origine est douteuse’’. Et sa camarade Julie ajoute : ‘’nous prenons soin d’enquêter au préalable pour connaitre l’origine des vêtements que nous compter payer.’’

‘’Oubliées et souvent ‘’ridiculisées’’, ces femmes d’un courage extraordinaire assurent la survie de leurs ménages et la scolarité des enfants. Face à l’extrême pauvreté qui touche la province, elles ne demandent qu’une chose : ‘’que l’Etat nous sorte de ces conditions humiliantes’’

Arsène MPUNGA et Jeanpy KABONGO

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